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Interview - Salimah, Princesse des enfants de Tahiti

Date: 
Tuesday, 1997, November 25
Location: 
Source: 
Point de Vue
 Ismaili.net Salimah Aga Khan - Princesse des enfants de Tahiti
Author: 
Eric Jansen

Pour la troisième année consécutive, la princesse Salimah Aga Khan a fait le voyage à Tahiti, pour rendre visite au village d'enfants dont elle est la marraine. Une action humanitaire qui a vu le jour au moment où sa vie prenait une nouvelle direction.

"Lorsque l'ombre de la nuit, Déchire mon coeur d'enfant, Dans le noir, la solitude qui m'attend, Et pourtant tu est là près de moi, Très chère maman, belle princesse, Ton amour est une caresse, J'ai besoin de toi, oui de toi".

C'était il y a quelques jours à Papara, un village sur l'île de Tahiti. Trente-sept enfants étonnaient cette chanson devant une très jolie femme au bord des larmes. Ils remerciaient ainsi de son aide leur marraine de coeur, la princesse Salimah, venue comme dans un conte de fées un beau jour leur apporter un peu de son amour. Ils avaient connu une enfance malheureuse, elle venait de tourner le dos a vingt-cinq années de son passé. Chacun avait besoin d'oublier. Ensemble, ils allaient se donner la force d'entamer une nouvelle vie.

C'est sous un autre soleil que celui de Porto-Cervo, la station balnéaire créée par son ex-mari, que la princesse Salimah a commencé à renaître. On se souvient de son divorce retentissant en mars 1995, de la vente de ses bijoux qui suivit et de la bataille qui l'opposa à l'Aga Khan. On ignore que pour fuir le déferlement médiatique et retrouver un peu de calme, la princesse suivait les conseils d'un ami et s'envolait en novembre 1995 pour Tahiti. Mais le voyage aux allures de vacances allait prendre un tout autre sens.

A peine arrivée dans ce pays qu'elle ne connaît pas, Salimah entend parler d'un projet auquel elle souhaite aussitôt s'associer. Jacqueline Dumond-Flosse, la fille du président du gouvernement polynésien, lui parle avec enthousiasme du Village d'enfants SOS qui est en train de voir le jour. Dix maisons sont en chantier, pour pouvoir bientôt accueillir des enfants maltraités. Car derrière la carte postale de Tahiti - cocotiers, lagons turquoise et sable blanc - se cache une réalité plus prosaïque. L'alcool et le désoeuvrement conduisent certains parents à des violances sur leurs enfants.

Dès sa prmière visite, Salimah signe un chèque de 25 000 dollars en guise d'encouragement. L'année dernière, le 27 septembre, elle revient pour inaugurer le village et remédie aussitôt aux oublis : des congélateurs dans chaque maison, des vélos pour les enfants et deux mini-bus. Aujourd'hui, celle que tout le monde appelle désormais Sally est de retour avec deux nouveaux cadeaux : une aire de jeux et une bibliothèque de mille livres. Parce que les enfants, pour retrouver leur équilibre intérieur, doivent aussi se distraire.

Afin d'honorer tant de générosité, M. Eugène Bessert, le maire de Papara, a voulu accueillir Sally comme une reine. Avec ce protocole unique, où le tutoiement le dispute à l'emphase lyrique et où le vin d'honneur à un goût de jus d'ananas. Couverte de colliers de fleurs de tiaré, attrapée de toutes parts par des mains qui lui disent leur gratitude, Sally visite le village à présent achevé. Au milieu d'une joyeuse pagaille, étouffée par les enfants à l'affection très démonstrative, elle reste sereine et souriante. ELle reconnaît les visages et a pour chacun un geste tendre. "je suis très heureuse de voir combien les enfants ont changé en un an. Certains étaient totalement repliés sur eux-mêmes, ils semblaient irrémédiablement blessés. Aujourd'hui, ils rient aux éclats". Durant sa visite, elle s'informe auprès du directeur du Village SOS, Georges Nahei, des besoins auxquels on n'avait pas pensé et fatalement sont apparus. Pour y répondre, de nouveaux crédits seront trouvés.

Où est "la pauvre Sally" que décrivaient les journaux au moment de son divorce, lorsque l'on voit cette superbe femme s'amuser à poser avec tous les membres du conseil municipal de Papara et goûter sans broncher les spécialités locales ? Elle a coupé ses cheveux et son visage parfait d'ancien mannequin a retrouvé ses lignes pures et racées. Dans son ensemble Armani, elle passe d'un goûter d'enfants à un dîner officiel avec la même aisance, impeccable d'élégance discrète. A table, elle rit de tout et son humour enchante ses voisins (ses imitations de la princesse Margaret ou de Liz Taylor sont irréissitibles).

Pour faire plaisir aux enfants, elle se retrouve un soir dans un restaurant de hamburgers, au bord de la route, dans la lumière crue de néons implacables... Pas l'ombre d'une gêne ne traverse son visage. Loin, très loin de Gstaad, des dîners avec le roi Juan Carlos ou de la tribune officielle de Longchamp. Le chemin parcouru semble inimaginable et pourtant Sally l'a fait. Dans l'entretien qu'elle nous a accordé, elle explique avec quel soulagement et quel sentiment de bien-être.

Avant son départ, en témoignage d'affection, les enfants ont baptisé Sally d'un nom tahitien : "Terai anau te maro tini ite puatea". Ce qui signifie approximativement : la princesse-à-la-peau-blance-venue-du-ciel-pour-chérir ! Ce nouveau titre, si poétique, vaut bien celui de Bégum.

Point de Vue: Madame, comment est né votre désir d'aider Village d'enfants SOS de Tahiti ?

Princesse Salimah: Je suis arrivée ici pour la première fois en 1995. Je sortais d'une période tumultueuse, le divorce, la vente aux enchères de mes bijoux. J'avais besoin de calme, de repos. A peine étais-je descendue de l'avion qu'on me parlait de cette association. Je suis aussitôt allée voir le chantier en construction.

PdV: Et vous avez spontanément souhaité apporter votre aide ?

S.A.K.: Absolument. J'ai tout de suite été séduite par le principe des Villages SOS. On recueille les enfants maltraités par leurs parents et placés ici par la Justice, mais on ne sépare pas les frères et soeurs. On les héberge dans des maisons, où l'on essaie de recréer un foyer autour d'une mére de substitution. Je trouve l'idée très bonne. Et puis, c'était très excitant de participer au démarrage d'un projet et de le voir se développer .

PdV: C'était aussi un acte qui avait valeur de symbole ?

S.A.K.: En quelque sorte. Pour la première fois, j'avais la liberté d'agir par moi-même, en mon nom propre, et j'ai saisi cette liberté.

PdV: Vous aviez souffert, par le passé de ne poivoir agir comme vous le vouliez ?

S.A.K.: C'est vrai que j'étais très sollicitée et que je n'avais pas une grande liberté d'action.

PdV: Mais en tant que Bégum, vous veniez en aide à beaucoup de gens...

S.A.K.: Vous savez, le titre de Bégum ne veut pas dire grand chose. Au Pakistan, elles sont des milliers... Pour ma part, je visitais énormément d'hôpitaux, de dispensaires et d'écoles. J'encourageais, mais je n'apportais pas d'aide concrète. Je n'avais aucun pouvoir.

PdV: Est-ce un hasard si votre action s'est portée loin de l'Inde et du Pakistan ?

S.A.K.: En venant ici, à Tahiti, je ne risque pas d'entrer en conflit avec les activités soutenues pas mon ex-mari.

PdV: Cela est aussi une façon de tourner la page, de commencer une nouvelle vie ?

S.A.K.: Pas vraiment, parce que j'ai toujours eu cette préoccupation, ce désir d'aider autrui, et particuliérement les enfants en détresse. J'ai simplement à présent la possibilité de concrétiser ce que j'ai toujours voulu faire, je me sens enfin utile.

PdV: Je crois savoir que vous avez aussi eu d'autres gestes généreux...

S.A.K. : J'ai offert des scanners en Albanie et en Roumanie, mais je l'ai fait avec plus de discrétion . Je ne veux surtout pas être perçue comme une femme qui sillonne le monde et qui distribue un peu d'argent ça et là. Je ne cherche pas la publicité. Ce n'est pas dans ma nature. Vous savez, en vingt-cinq ans, je n'ai jamais donné d'interview. Ce que je fais aujourd'hui, c'est uniquement pour faire connaître le village SOS de Papara et parce que je suis vraiment attachée à ces enfants. Je veux aussi surtout rendre hommage au travail fantastique accompli sur le terrain tous les jours par les mères de substitution et par tous ceux, juges, psychologues, parrains et bénévoles, sans qui ces enfants n'auraient pas eu une seconde chance.

PdV: D'où vient cette aisance que vous avez avec les gens, ce contact direct et chaleureux ?

S.A.K.: Peut-être de la façon dont j'ai été élevée. Dans ma famille, nous étions toujours en contact avec des adultes, on parlait beaucoup. J'ai sans doute aussi hérité de la sensibilité de ma mère. Pendant la guerre, elle était infirmière en Inde, où mon père était colonel. Elle nous amenait, mon frère et moi, dans les hôpitaux, auprès des blessés. Et les soldats étient heureux de nous voir. C'était très dur à supporter - j'avais quatre ans -, mais aussi très bon pour mon éducation. Je n'ai jamais perdu cette capacité à écouter.

PdV: Quel a été votre sentiment, lorsque les enfants vous ont remerciée, en vous dédiant une chanson ?

S.A.K.: J'étais bouleversée. C'était comme une déclaration d'amour. Pendant vingt-cinq ans, j'ai reçu beaucoup d'honneurs, mais celui-ci était très touchant.

PdV: Les enfants sont une priorité pour vous...

S.A.K.: Toujours ! Je ne peux supporter l'idée qu'un enfant souffre.

PdV: Les vôtres aussi sont passés avant votre intérêt personnel... Vous avez attendu pour divorcer que vos enfants soient devenus adultes...

S.A.K.: Absolument vrai.

PdV: Est-ce qu'après cette épreuve vous avez de nouvelles valeurs ?

S.A.K.: Je n'ai jamais perdu mes vraies valeurs, parce que je n'avais pas la vie que beaucoup imaginent. Je suis toujours restée les pieds sur terre, en contact avec la réalité.

PdV: Votre style de vie a tout de même changé ?

S.A.K.: Pas vraiment. J'habite toujours Genève, simplement à présent je vis dans une maison que j'ai pu m'acheter. Mon style de vie n'était pas fait de bals et de dîners mondains. Je voyais mes enfants, mes amis. Je n'ai jamais fait partie du tourbillon de la jet set. Les mondanités, c'est amusant, lorsque vous êtes jeune, mais après ? J'ai des amies merveilleuses qui ne font que ça. Je les admire. Moi, j'ai besoin de calme, de silence, de livres, d'une vie intérieure.

PdV: Tout de même, lorsque vous parlez à vos amis de votre action à Tahiti, ils doivent être un peu étonnés ?

S.A.K.: Non, pas du tout. Ils trouvent cela formidable. Vous savez, que ce soit Roger Moore, Joan Collins ou Nancy Reagan, ils font tous la même chose.

PdV: Vous croyez au destin ?

S.A.K.: Je crois plutôt à ce qu'on réalise par soi-même. Vous savez, derrière ma grande timidité se cache une nature très têtue. Une fois que je me lance dans quelque chose, je ne lâche pas, je continue mon chemin, même si on me coupe les pieds ! Je dois sans doute tirer cette force de mon sang irlandais.

PdV: La blessure est aujourd'hui cicatrisée ?

S.A.K.: La vie continue... La joie est à nouveau là. Je suis heureuse. Pleinement heureuse.
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Microsoft translation below

For the third year in a row, Princess Salimah Aga Khan made the trip to Tahiti to visit the children's village of which she is the godmother. A humanitarian action that was born at a time when his life was taking a new direction. "When the shadow of the night, Tear my child's heart, In the dark, the loneliness that awaits me, And yet you are there near me, Dear mother, beautiful princess, Your love is a caress, I need you, yes of you." It was a few days ago in Papara, a village on the island of Tahiti. Thirty-seven children stunned this song in front of a very pretty woman on the verge of tears. They thanked for his help their godmother, Princess Salimah, who came as in a fairy tale one day to bring them some of her love. They had had an unhappy childhood, she had just turned her back twenty-five years from her past. Everyone needed to forget. Together, they were going to give themselves the strength to start ...

Reportage Eric Jansen
Photo Luc Castel


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