Prince Amyn Aga Khan: "Chantilly est un vrai décor de cinéma"
Il est l’un des principaux acteurs de la Fondation pour la sauvegarde du domaine de Chantilly, créée par son frère, l’Aga Khan IV, en 2005. Soucieux de faire du lieu un incontournable rendez-vous culturel, il y a transféré les légendaires Journées des plantes dont notre magazine est partenaire. Rencontre avec un amoureux de la nature.
Il prend place dans un salon de l’Auberge du Jeu de paume, qui jouxte les jardins du château de Chantilly. S’amuse de tout, de son café qu’il va recevoir froid ou de son "modeste niveau" dans les six langues étrangères qu’il parle! Quand il évoque le domaine, son regard pétille toujours mais révèle avant tout les passions d’un esthète. "Chantilly, c’est l’art et la culture."
Quand avez-vous découvert le domaine ?
C’était il y a bien longtemps, avant la création de la fondation. Les bâtiments m’ont fasciné. Les grandes écuries sont exceptionnelles. Quant au château, entre ses douves, son méli-mélo de tourelles et ses diverses influences architecturales, il possède un charme de conte de fées. J’admire le jardin de Le Nôtre, ses spectaculaires plans d’eau, son hameau… un vrai décor de cinéma.
Vous avez reçu un prix pour le transfert réussi des Journées des plantes, qui se tenaient auparavant au château de Courson, dans l’Essonne…
Cela s’est fait si simplement! Mon ami Patrice Fustier, propriétaire du domaine de Courson, était membre du conseil d’administration de la Fondation pour la sauvegarde de Chantilly. Son expertise pour la mise en valeur du lieu m’a toujours semblé précieuse. Sa femme et lui trouvaient que les Journées des plantes devenaient un événement trop lourd. En deux phrases, nous avons décidé de les organiser à Chantilly. J’adore ces rendez-vous. Je fréquente Keukenhof, aux Pays-Bas, depuis de nombreuses années. Cette exposition de bulbes est unique et fantastique.
Comment a commencé votre implication au sein de la Fondation pour la sauvegarde du domaine de Chantilly?
De façon très naturelle, mon frère, l’Aga Khan IV, m’a sollicité, notamment pour former le conseil d’administration, composé de partenaires privés et publics. Je préside aussi un comité culturel et événementiel. Plus il y aura d’événements, comme des expositions temporaires, plus les gens visiteront Chantilly.
Depuis quand travaillez-vous avec votre frère aîné?
Depuis toujours! Grâce à notre grand-père, l’Aga Khan III. Dès notre plus jeune âge, nous l’avons représenté au cours de nombreux voyages. Après mes études à Harvard, j’ai travaillé aux affaires sociales et économiques des Nations unies. Cette expérience a duré trois ans. Mais il est difficile de voir le fruit de ses efforts dans une structure bureaucratique. Puis j’ai pensé que mon frère avait besoin de moi.
Ce lien de parenté ne complique-t-il pas vos relations professionnelles?
Notre différence d’âge est de neuf mois moins un jour. Nous sommes pratiquement jumeaux et je dois dire que dans nos rapports professionnels, cela engendre une grande complicité.
Quand est née votre passion des plantes?
J’ai toujours été entouré de gens qui aimaient la nature, que cela soit en Angleterre, avec ma mère et ses frères et soeurs, ou dans le Midi, avec mon père. Dans la villa du Cannet, chez mon grand-père, l’escalier était une rocaille admirable. Il donnait l’impression d’une cascade de fleurs jaillissant de façon ravissante d’entre les pierres. Puis à New York, dans la maison que je louais, se trouvait un petit jardin laissé à l’abandon. Je m’étais amusé à le recréer. Je n’ai pas eu une enfance urbaine. À Nairobi, où j’ai vécu pendant la guerre avec mes parents, nous avions un jardin. Mon père et moi y avons même planté de la rhubarbe au-dessus des égouts. J’ai appris que cette plante adorait ça! Elle a poussé, je ne vous raconte pas!
L’horticulteur Delbard dévoilera, lors des prochaines Journées des plantes, la rose "Domaine de chantilly", dont vous êtes le parrain. Que vous évoque ce spécimen?
Ses nuances me plaisent beaucoup. À l’éclosion, elle est rose et pâlit jusqu’à l’orangé. Elle n’a rien de quelconque. Elle s’ouvre de façon généreuse en une forme ravissante. Cette rose, extrêmement parfumée, est aussi robuste et dure longtemps… tout ce que l’on demande à une fleur.
La fondation a reçu pour vingt ans la gestion du domaine. Que se passera-t-il ensuite?
La gestion reviendra à l’Institut de France, propriétaire de Chantilly. Nous nous attachons pour l’instant à tout restaurer: bâtiments, oeuvres, parcs et jardins. Nous tenterons de préserver l’œuvre entreprise en laissant sur place les structures idoines. Grâce à mon frère, les avancées ont déjà été très rapides. Dans la grande galerie, tous les tableaux et cadres ont été restaurés. Les bâtiments, les canaux de Le Nôtre… le travail accompli est considérable.
Pouvez-vous nous parler du Réseau Aga Khan de développement, pour lequel vous travaillez également?
C’est peut-être le réseau privé le plus important au monde. Il emploie plus de 80 000 personnes et représente un groupement d’institutions travaillant sur le modèle du multiple input: un projet de développement qui crée des zones d’activités à la fois pour la culture, l’éducation, la santé et l’économie.
Le Réseau Aga Khan a créé de nombreux jardins…
Le plus connu est celui du Caire, composé d’un plan d’eau, d’un théâtre à ciel ouvert, d’une aire de jeux. Il a remplacé un inqualifiable terrain vague. D’autres jardins ont depuis vu le jour au Mali, au Canada, en Afghanistan, ou encore en Inde. Là où nature et culture se marient, la psychologie des gens s’améliore.
Journées des plantes de Chantilly, du 19 au 21 mai 2017.
www.domainedechantilly.com
Aga Khan Aga Khan IV
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