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Article de la Revue Gala-2000-07-01

Date: 
Monday, 2000, July 10 - Wednesday, 2000, July 19
Location: 
Source: 
Revu Gala
Author: 
Par Caroline Babert

Chaque jour, depuis quarante-trois ans, les habitants d'Assouan guettaient sa silhouette hiératique en haut de ces dunes qui surplombent le Nil. Chaque jour - du moins lorsqu'elle résidait dans sa demeure Nour El-Salam, tout près des rives du fleuve égyptien - la bégum Om Habibeh déposait une rose sur le tombeau blanc de son époux. Aujourd'hui, celle qui aima à la folie le richissime sultan Mohamed Shah Aga Khan III, quarante-huitième imam des musulmans chiites ismaéliens, disparu le 11 juillet 1957, repose auprès de lui pour l'éternité. Et plus personne, jamais, n'entendra les mots fervents qu'elle aimait à répéter : " Je n'ai jamais pensé à me remarier. Quand l'Aga Khan vivait, je ne l'Ai jamais abandonné, ni un jour ni une nuit. Auprès de lui, j'Ai mené une vie si intense que je peux dorénavant vivre dans le souvenir."

Surtout ne pas entamer le mythe. Préserver le mystère d'une beauté à nulle autre pareille qui sut abriter son déclin dans sa somptueuse villa sur la Riviera, Yakimour (la contraction de Yaki, son surnom formé à partir des initiales Yvette Aga Khan, et amour), cette demeure fétiche où elle avait reçu Ingrid Bergman, Romy Schneider, Simone Signoret, toutes les étoiles filantes du festival de Cannes… Car en liant sa destinée à l'homme aux 700 000 carats de diamants, Yvette Labrousse, Miss France 1930, entrait dans la légende. Celle des mille et une nuits. Des fidèles ismaéliens à la jet-set, des champs de courses - Ascot, Chantilly, Longchamp - aux folies de Bayreuth durant lesquelles, pâmée, elle écoutait Wagner, ou à Vichy, où elle aimait prendre les eaux, tous sont tombés sous l'emprise de sa noblesse naturelle. La fille unique d'un conducteur de tramway de Cannes et d'une simple cousette avait la grâce. Juste cette grâce qui fit tomber en amour l'un des hommes les plus puissants de la planète lorsque leurs regards se croisèrent et qu'ils restèrent soudés. Un destin. Qui commence comme un conte de fées et nous ferait croire pour un peu que dans la réalité les princes épousent les bergères…

Sète, où elle naît le 15 février 1906, Cannes, où elle grandit, Lyon, où elle travaille comme couturière, la vie aurait dû s'arrêter là. Mais une couronne de pacotille va changer le cours des choses : élue Miss Lyon, puis Miss France, elle est l'ambassadrice de l'élégance, s'étourdit dans des voyages de rêves, côtoie un monde de luxe qu'elle n'imaginait même pas, et devient la muse du peintre Van Dongen… Au cours d'une réception au Caire, elle rencontre celui qui, bien qu'encore marié à la Française Andrée Carron, veut d'emblée en faire sa quatrième épouse. Et y parviendra le 9 octobre 1944. Ce jour elle deviendra la bégum, l'Aga Khan la fera " Mata Salamat", Mère de paix. Suprême honneur quand on sait qu'il n'y eut que trois bégums en treize siècles qui portèrent ce titre sacrés!

N'imagines pas pourtant que tout fut facile. Dans le Saint-Germain-des -Près de l'après-guerre, on snobe ce couple que tout sépare : l'âge (ils ont vingt-neuf ans d'écart), la culture, la religion (même si par amour elle s'est convertie à l'islam), le milieu. Louise de Vilmorin, qui faisait à l'époque la pluie et le beau temps dans les salons parisiens, dira : "Elle est très grande. Elle sera très bien comme point de repère sur un champ de courses." Pourtant, du Kenya à l'Ouganda, du Soudan aux rives du Ganges, au sein de ce royaume dispersé de quinze millions de fidèles, l'accueil est chaleureux. Si fort que pour le soixanteième anniversaire du règne de l'Aga Khan III, en mars 1946, ses adeptes lui offriront son poids, 101 kilos, en diamants. Désormais, la place de la bégum est celle d'une souveraine. Adulée, elle va de palais en palaces, de splendeurs en magnificences et fait la une des gazettes. Son bonheur ne durera que treize ans. Treize ans, c'Est court pour aimer, mais cela suffit pour créer une légende. Celle de la "rose rouge" d'Assouan…


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